La beauté de l’haltérophilie réside dans sa simplicité. Une barre posée sur une plate-forme, deux mouvements, six tentatives. Après une compétition, tout le monde sait qui est le meilleur et de combien. Nous pouvons mesurer notre succès en kilogrammes.
En fin de compte, l’haltérophilie est une question de chiffres.
Et en ce qui concerne les chiffres, personne n’est plus impressionnant que celui qui a créé la méthode Bulgare, Ivan Abadjiev ! En 1969, il a repris l’équipe nationale Bulgare d’haltérophilie en difficulté. Jusque-là, la Bulgarie n’avait remporté aucune médaille en haltérophilie. Aux jeux de 1972, ils ont remporté six médailles, trois d’or et trois d’argent. Quatre ans plus tard, ils en ont encore gagné six. Et puis huit médailles. En 1984, dirigés par un jeune de 17 ans nommé Naim Suleymanoglu, ils semblaient prêts à en gagner encore plus, mais un boycott des Jeux de Los Angeles par le Bloc de l’Est a délégué l’équipe d’Abadjiev aux Jeux de l’amitié, où elle en a remporté dix.
L’apogée de l’équipe d’haltérophilie bulgare a eu lieu en 1986 où, à domicile, ils ont remporté sept médailles d’or sur dix !
Évidemment ces chiffres sont impressionnants, mais ils ne reflètent pas pleinement à quel point l’équipe d’Abadjiev a perturbé l’haltérophilie à cette époque. En 1972, juste avant l’élimination du développé, l’Union soviétique revendiquait 22 des records du monde (développé compris). La Bulgarie elle, en possédait trois, toutes remportées aux jeux de Munich. En 1992, juste avant la réinitialisation des records du monde, l’URSS détenait onze records. Les athlètes d’Abadjiev en détenaient treize, sans compter les trois records du monde établis par Suleymanoglu alors qu’il représentait la Turquie.
Pour comprendre à quel point il était étonnant pour la Bulgarie de battre les Soviétiques, considérez ce fait. En 1984, l’URSS comptait 340 000 haltérophiles enregistrés. La Bulgarie n’en avait que 5 000 !
Le jeune Ivan Abadjiev
Ivan Abadjiev, dit “The Butcher,” l’homme qui a révolutionné l’haltérophilie à sa manière, avait des origines modestes.
Né à Novi Pazar en 1932, il rêvait de devenir artiste, puis gymnaste. C’est peu de temps après, qu’il découvrit l’haltérophilie. En 1953, il décida de pratiquer seul, écartant complètement l’ensemble du système de formation alors adopté. Ivan Abadjiev a alors commencé à s’entraîner deux fois par jour, rejetant la planification et divisant le processus de formation en périodes et en cycles.
En 1957 à Téhéran, il termine deuxième au championnat du monde, faisant de lui le premier haltérophile bulgare à recevoir le titre de « Honored Master of Sports ». Auparavant, le pays n’avait jamais remporté de médaille aux championnats du monde.
Par la suite Ivan Abadjiev est devenu coach, faisant ainsi la promotion de son système de formation.
Il continua tout de même à concourir sérieusement jusqu’en 1964, remportant sept compétitions nationales, mais jamais de plus grosses compétitions.
En 1959, il fut réprimandé pour avoir organisé une compétition pour adolescents, les officiels craignaient que les participants soient trop jeunes pour pouvoir pratiquer l’haltérophilie.
En quoi consiste cette fameuse méthode Bulgare exactement ?
Comment dire … La méthode Bulgare c’est du sérieux !
Pour commencer il est essentiel de garder à l’esprit que la vraie méthode (celle développée par Ivan) et réservée aux haltérophiles d’élite et non à quiconque de moins que l’élite. Les athlètes été choisis jeunes, généralement à l’âge de 12 ans.
Pendant des années, la pensée était qu’un haltérophile avait besoin de 48 heures pour se remettre d’un entraînement intensif. Peu de gens pensaient qu’un athlète pouvait se remettre complètement de la fréquence d’entraînement exigée par Abadjiev.
Mais lui voyait les choses différemment. Il pensait que le corps humain était capable de beaucoup plus d’intensité qu’on ne le pensait auparavant.
Des techniques comme la thérapie par l’eau, les bains à remous, les massages, une alimentation appropriée et un sommeil suffisant ont été utilisés pour aider à la récupération.
Je pense d’ailleurs que toutes les méthodes de récupération était bonne à prendre car les années suivantes, l’intensité demandé ne fit qu’augmenter.
En 1984, les Bulgares s’entraînaient jusqu’à sept fois par jour, avec un total de 8h d’entrainement par jour !
Voici un exemple de ce que pouvait comporter une journée. Les samedis étaient des demi-journées et les dimanches étaient des jours de repos :
9h-10h : Arraché, travaillant jusqu’à 90% du maximum
10h30-11h30 : Épaulé Jeté, travaillant jusqu’à 90%
11h30-12h30 : Squat Devant, travaillant jusqu’à 90%
17h-18h : Épaulé Jeté, travaillant jusqu’à 95%
18h-19h30 : Arraché, travaillant jusqu’à 100%
19h30-20h : Épaulé Jeté, travaillant jusqu’à 100%
20h-20h30 : Squat, travaillant jusqu’à 95%
Les répétitions étaient généralement une, jamais plus de deux, même lors des échauffements. Les entraînements se composaient généralement d’arraché, d’épaulé-jeté et de squat. Tout autre exercice était considéré comme un gaspillage d’énergie.
L’intensité pouvait varier selon les périodes comme par exemple avant les compétitions, mais l’entrainement était pratiquement le même tout au long de l’année.
Elle semble presque magique cette méthode ! Pas étonnants qu’ils aient tout gagné ces Bulgares !
Alors en théorie oui c’est assez simple, mais en pratique vous vous doutez bien que ça ne l’était pas, comme je l’ai mentionné plus haut, ce type d’entrainement n’est pas destiné à tout le monde.
Les carrières des athlètes étaient assez courtes à cause des blessures, de l’intensité et de la charge de travail demandée.
Le manque de variété n’était pas pour aider non plus, en effet à la fin il n’y avait que quatre exercices différents dans tout le programme, imaginez devoir tenir un tel rythme pendant plusieurs années !
De plus pour suivre un entrainement aussi sévère sur une longue durée, les athlètes étaient contraints d’utiliser des produits illégaux. Le médecin de l’équipe a admis avoir prescrit des stéroïdes anabolisants aux haltérophiles deux fois par an pour accélérer la récupération.
« J’ai créé une méthodologie gagnante, mais aucun de mes héritiers n’a continué.
Je me demande pourquoi ?! Peut-être parce que cela exigeait un dévouement extrême. »
Les dernières années d’Ivan
Le premier mandat d’Abadjiev en tant qu’entraîneur bulgare dura vingt ans. Il avait espéré arrêter à plusieurs reprises, mais avait besoin de cet argent pour subvenir aux besoins de sa famille. Les bulgares continuaient à gagner toutes les compétitions et il n’y avait plus vraiment de concurrence. Par la suite, Ivan commença à se lasser de devoir répondre aux critiques et de s’occuper des jeunes entraineurs. Ivan à également dû faire face à la pression de l’IWF et de l’Union soviétique pour arrêter de gagner.
Les jeux olympiques de 1988 ont été décevants pour la Bulgarie. L’équipe décida de se retirer de la compétition après que deux de leurs athlètes est étaient disqualifiés pour usage de substances illégales. Abadjiev pensait que les scandales de dopage étaient organisés par Moscou. Il a tout de même reconstruit l’équipe, qui a remporté quatre médailles d’or aux championnats du monde de 1989.
À ce moment-là, Ivan Abadjiev était devenu un paria. Licencié la même année, il n’a pas pu trouver un autre emploi d’entraîneur. Il a donc trouvé un emploi en tant que gardien de sécurité dans une école, puis comme ouvrier d’usine. Lors des championnats d’Europe de 1993 à Sofia, personne ne lui a adressé la parole.
Finalement, il a pu décrocher un emploi en tant qu’entraîneur de badminton. En 1995, il reçut une invitation d’un ancien de ses élève, Naim Suleymanoglu faisait son retour et avait besoin d’un entraîneur, Abadjiev a sauté sur l’occasion.
Aux jeux d’Atlanta de 1996, la Turquie représenté par Naim Suleymanoglu, a remporté deux médailles d’or et une d’argent contre les deux bronzes de la Bulgarie.
En 1997, Ivan Abadjiev a été ramené comme entraîneur de la Bulgarie avant de finalement démissionner en 2000. Il a continué à entraîner dans le monde entier, y compris pendant un temps aux États-Unis.
Ivan Abadjiev est décédé en mars 2017 en Allemagne. De son vivant, il a produit 12 champions olympiques et 57 champions du monde !
Passionnant et très intéressant !
MERCI pour toutes ces informations sur la méthode bulgare et sur l’entraineur Ivan Abadjièv qui la mise au point…
Je vais essayer de m’en inspirer dans le programme de ma prochaine saison 2024-2025… pour progresser sur mes 2 objectifs … ( championnat de France et championnat d’Europe Masters )